Adolescences numériques? Génération «Y» et inégalités éducatives
Keywords
génération Y
numérique
adolescents
anthropologie
usage.
Publication details
Year: | 2016 |
Issued: | 2016 |
Language: | French |
Start Page: | 111 |
End Page: | 124 |
Editors: | |
Authors: | Plantard P.; Gwénaëlle A. |
Type: | Journal article |
Journal: | Education & Formation |
Abstract
Hyperconnectés, hyperactifs, ceux que l'on considèrevolontiers comme natifs du numérique intriguent et questionnent adultes et institutions éducatives. Cet article, s'appuyant sur le cadre conceptuel de l'anthropologie des usages, part de deux recherches auprès des adolescents de la ville de Ploemeur (56).Il objective les pratiques numériques de ces adolescents dans leurs contextes socio-éducatifs. Il constate que leurs usages du numérique irriguent profondément leurs sociabilités et nous révèle nos difficultés d’adulte à investir les espaces publics numériques en tant que terrain de réflexion et d'actions éducatives. Au final, les auteurs s'interrogent sur le paradoxe de nos représentations de la « génération Y » qui pourrait paraître assez positives si elles ne masquaient une stigmatisation de la jeunesseet les inégalités éducatives afférentes.
Outcome
En laissant aux adolescents le champ libre en matière d’apprentissage du numérique, ces derniers s’approprient un territoire qui leur permet de se construire socialement, de se dévoiler face à leurs pairs, de renforcer leur identité «jeune» et des liens dans un des rares lieux qu’ils pensent contrôler. Afin de mieux le maîtriser, ils le circonscrivent à leurs pratiques, excluant le plus souvent toute présence adulte potentiellement stigmatisante. Ils investissent les lieux en ligne comme ils le font hors ligne, sur des temporalités spécifiques, pour retrouver leurs pairs, à l’abri des regards étrangers. Les pratiques numériques des adolescents dévoilent une façon de se construire de l’adolescent, hors des prescriptions institutionnelles et parfois des lieux pensés pour eux. Faute de connaître réellement leurs pratiques numériques, adultes et adolescents projettent les uns sur les autres des fantasmes qui se cristallisent autour d’expressions comme « digital native » ou «digital migrant». Les adolescents se construisent, aujourd’hui, souvent dans un « entre-soi » numérique en clair-obscur, caché du regard des adultes. C'est ce repli qui pourrait être très problématique d'un point de vue éducatif. L'appropriation des instruments numériques n'est pas innée. Selon la famille, le groupe de pairs et les territoires dans lequel il se situe, l'adolescent s'adonnera avec plus ou moins de légitimité, d’assurance, de facilité et d'audace aux pratiques numériques. Il devient urgent de regarder de près et de prendre en compte les pratiques numériques effectives des adolescents pour pouvoir démontrer l’ampleur du risque de démissions éducatives contenu dans la dénomination « génération Y ». Les analyses d’INEDUC démontrent que l’équipement apparaît socialement contrasté sur deux plans: s’agissant des terminaux mobiles et au niveau des espaces d’accès (l’espace familial de la maison ou l’espace personnel que peut représenter la chambre). En effet, si les famillesdéfavorisées(par la PCS19du père) sontautant dotéesen ordinateur fixe que les famillestrès favorisées, ellesse révèlentmoins dotéesen terminaux mobiles lorsque l’on considère l’équipement familial. En revanche les jeunes de milieu défavorisé ont plus souvent accès aux ordinateurs portables dans leur chambre (47,2% contre 35,5% des PCS très favorisées). De surcroît, les disparités sociales se creusent quant à l’équipement en téléphones portables. En effet, près de quatre adolescents sur cinq (76,2%) issus de milieu défavorisé possèdent un téléphone portable contre deux adolescents sur trois (67,6%) d’origine sociale favorisée. Les analyses qualitatives nous permettent d’identifier un investissement inégal des familles dans le rapport au numérique qui se retrouve dans le type et le lieu d’accès à l’équipement.